En avril 2023, l’Oasis des Âges a officiellement rejoint la Bascule. Manon nous parle de ce éco-hameau, au service des transformations intérieures et collectives, installé au cœur de la Corrèze.
Salut Manon ! Peux-tu nous dire ce qui t’a amenée à l’Oasis des Âges ?
Bien sûr ! Comme d’autres ici, j’ai fait le premier parcours Coopération fertiles de fertîles, en octobre-décembre 2020. Suite à ça, j’ai intégré fertîles en tant que formatrice et j’ai habité à la Caserne bascule pendant 8 mois. Et c’est là bas qu’a commencé le projet de l’Oasis des âges.
Ici, je suis assez multitâche. Mais j’ai aussi un boulot à côté, pour Inventons nos vies bas carbone. Je dois dire que parfois, ce n’est pas facile de jongler avec tout ça !
Raconte-nous l’origine de l’Oasis des Âges. Comment ça a pris forme ?
Au détours de conversations, lors du CF1, on a compris que certain·es d’entre nous avaient des envies de ce type, mais on n’en a rien fait directement. Un peu plus tard, Chloé et Guillaume ont eu l’élan de relancer les discussions. On a passé une semaine à La Rochelle pour en parler sur le mode “Et si ?”. Qu’est-ce qu’on voudrait, quelles seraient nos intentions ?
Et puis, en animant un PAF à la Casba, Chloé et moi avons rencontré une personne dont la grand-mère connaissait un lieu à vendre. On a visité, et ça a été le coup de cœur !
Avant même de devenir propriétaires, nous avons fait des chantiers participatifs avec l’accord des propriétaires avec qui nous avons eu de très bonnes relations. Et nous avons signé l’acte de vente en février 2023.
Et depuis ? Comment décrirais-tu le projet de l’Oasis des Âges ?
Nous sommes cinq associé·es solidaires à avoir mis de l’argent et habitant le lieu. Deux autres personnes sont habitantes en “période d’essai”.
C’est un lieu d’accueil et d’habitat. On y vit dans des habitats individuels, avec des espaces communs, et on accueille avec l’intention de proposer des espaces pour transformer nos relations. Aux autres, à nous-même, au vivant, aux modèles sociétaux, à nos croyances, à notre culture…. Nous voulons en faire un espace de questionnement et de choix conscients sur la transformation de notre rapport aux choses.
Nous faisons en sorte d’appliquer cela à nos relations, mais aussi à notre façon de faire “commerce”. Qu’est une relation commerciale ? Où peuvent être les limites dans la relation, pour nous et pour les client·es ? Comment peut-on communiquer ? Prendre soin des client·es, et vice-versa ?
Nous ne faisons commerce que de l’accueil de groupe, pour des stages, formations ou séminaires qui sont en ligne avec notre raison d’être. C’est-à-dire, avec un certain engagement d’un point de vue humain, politique, écologique.
Évidemment, nous accueillons les parcours de fertîles, mais aussi des stages en agro-écologie ou sur le rapport au corps, à l’amour, etc. Et puis, on loue le lieu sur participation consciente aux acteurices du territoire. On a eu par exemple, la résidence d’une compagnie théâtrale ou des balades botaniques.
Nous conservons des espaces pour d’autres types d’accueil, comme pour les chantiers participatifs ou les personnes qui viennent vivre sur de plus courtes périodes.
Il y a enfin ce “projet dans le projet”, porté par Alex, qu’est la Pépinière des âges, qui vise la reconstitution de nos paysages et à sensibiliser sur l’importance des forêts et des haies. L’idée est de contribuer à ralentir et à agir pour la résilience territoriale avec des arbres et arbustes variés, nourriciers et pérennes.
Et pour la suite, quels sont vos projets ?
On a plein d’idées ! Il y a trois bâtiments à rénover. On aimerait avoir un bâtiment des bénévoles, pour rendre ce type d’accueil plus fluide. On souhaiterait aussi qu’un autre bâtiment devienne un tiers-lieu, avec par exemple des salles pour la créativité, le sport, un cabinet de santé à louer… On aimerait que des espaces soient utilisés pour les gens du territoire.
On imagine aussi quelques autres habitats légers, tiny house, yourte… Avoir d’autres terres autour pour faire du maraîchage, pour nos chevaux… On imagine enfin pouvoir développer une activité sous notre grand hangar : créer des tiny houses, des marchés d’été, de la location solaire ? Et puis, avoir un étang, pour la biodiversité !
Quel est votre lien avec les autres îles de l’Archipel ?
Nous avons des liens avec fertîles, puisque deux des habitantes en font partie ! Nous sommes aussi en train de développer nos relations avec Mîlpa. Enfin, certain·es d’entre nous allons de temps en temps à la Caserne Bascule. Enfin, nous avons accueilli au printemps les cousinades de l’archipel La Bascule.
Développer les liens, ça suppose de banaliser les semaines. Or de notre côté, il y a un enjeu très fort à stabiliser notre mode de fonctionnement commercial et humain pour se conformer à nos exigences économiques. C’est le gros sujet de ce lieu : nous ne l’avons pas acquis sur bail emphytéotique, donc on joue avec les règles du monde bancaire…
Faire partie de l’archipel la Bascule, qu’est-ce que ça veut dire pour vous ?
Ça nous semble assez logique de rejoindre la famille dont on est issu·es !
C’est super de pouvoir contacter facilement un ensemble de personnes qui sont passé·es par les autres îles, par exemple pour des chantiers participatifs. Il y a une confiance, une culture commune. On peut aussi s’offrir des lieux d’accueil de la communauté pour des retrouvailles.
Faire partie de La Bascule permet aussi de bénéficier d’un réseau qui a une image forte, faisant rayonner d’autres projets qui démarrent. On se fait bénéficier mutuellement de nos rayonnements, avec des ping-pong de contacts, de visibilité.
Ce que je souhaite, c’est qu’on réussisse à apprendre des expériences des un·es et des autres. Qu’on crée et partage une banque de donnée intellectuelle, pour éviter que chaque collectif réinvente la roue alors qu’une autre île a trouvé la solution à un problème. On peut aussi réfléchir à de la mutualisation ou à de l’échange de services entre nous.
Et puis, l’idée est de faire partie d’une vision plus large qui est politisée, écologiste, féministe, défend la justice sociale. Il n’y a qu’à La Bascule que je retrouve cela à ce point.