A l’îlot Vivant on continue de vouloir s’enrichir de nouveaux-elles venu-es : des militant-es au grand cœur, des animateur-rices d’éduc’ pop, des ingé-es low-tech du ré-emploi, des passionné-es des forêts et de filière bois, des lobbyistes de la politique par le bas (…) pour faire de Rennes, avec nous, avec d’autres surtout, une métropole (re)belle !
De nouvelles ambitions, c’est bien beau, mais avant d’en arriver là, on on va, d’abord et toujours d’abord, avoir besoin de continuer à expérimenter d’autres formes de vie, de production, d’organisation à partir des champs et des forêts, des coopératives d’artisan-nes et des ateliers low-tech, des maisons à réhabiliter et des yourtes à monter. On continue de chercher à devenir, progressivement, patiemment, de plus en plus nombreux-ses sur ces activités et savoir-faire (ré-)émergents et essentiels.
Alors, ces modes de vie paysans, résilients, coopératifs, tendant vers l’autonomie, la sobriété, la convivialité, les solidarités, on dit oui, oui et oui.
Mais, désormais, et dans les années à venir, on va aussi chercher à aller, depuis ces alternatives, ancrées mais relativement marginales, vers des décisions collectives, politiques, populaires, qui les feront monter d’un cran – ou de deux ? Car disons le : il s’agit de construire le chemin pour que Rennes devienne une sorte de métropole belle et rebelle, capable de porter une alternative locale et globale. Juste ça, oui. Et pour ça, il va nous falloir repenser des formes d’action politiques nouvelles, coopératives et subversives à la fois, les expérimenter, en tirer des apprentissages stratégiques, les partager… Et peut-être construire, là, dans la campagne rennaise, soyons fou, une sorte d’université des nouveaux mondes, dans laquelle on recherche / expérimente / se partage d’autres manières de porter (plus haut, plus ensemble) les transformations essentielles qu’on défend à partir de nos territoires ?
Dans cette optique là, on serait bien content-es, une fois n’est pas coutume, d’élargir la joyeuse bande de vifs-ves déterminé-es qui peuplent notre Îlot, d’un-e militant-e hybride et passionné-e, les pieds dans le sol et la tête vers des utopies politiques à réaliser.
Cette petite intro faite, deux possibilités s’offrent à vous :
– En savoir plus sur cette perspective d’accueil de nouvelles personnes dans les tumultes et le courant de l’Îlot Vivant ? C’est le grand “I” juste en dessous ! [7min de lecture env]
– Comprendre pourquoi et comment, nous, jeunes fous-folles terré-es dans une ferme, on en arrive à ces espoirs et formes d’actions plus politiques, pourquoi on se questionne sur les formes d’engagement de type “mobilisations nationales” et en quoi les stratégies locales qu’on amorce nous semblent être des chemins intéressants vers des alternatives globales… Ca, c’est plus adressé aux copaines militantes, et c’est dans le grand “II” un peu plus bas ! [15min de lecture env – oui ouch c’est plus ardu]
I. Rejoindre le bateau ?
Alors, on aimerait, toujours et encore, patiemment, personne après personne, rencontre après rencontre, mois après mois, devenir plus nombreux-ses, plus d’engagé-es à lutter contre les catastrophes sociales et écologiques en cours, plus de passionné-es des mondes à venir, des coopérations et solidarités à bâtir… D’accord, mais dans quels objectifs, avec quelles complémentarités, quelles modalités pratiques ?
1 – Venir déployer des activités et savoir-faire paysans, artisanaux, sylvicoles, d’éco-construction, d’ingénierie…
Une fois n’est pas coutume, on continue de vouloir se faire rejoindre par qui voudrait participer à développer des projets et savoir-faire, soit parmi ceux qu’on commence déjà à mener de manière plus ou moins accentuée (low-tech et énergie, artisanat et transfo alimentaire, et plus récemment, sylviculture douce ou phyto-épuration) soit parmi ceux qu’on a pour l’instant moins développé (éco-rénovation / construction, charpente, travail du métal, santé, aide aux personnes….). Loin de se résumer à la question des savoir-faire, c’est aussi des profils entrepreneuriaux qu’il serait intéressant d’embarquer dans l’aventure, car il s’agit de savoir-faire non pas seulement à développer pour soi, mais à proposer, sous forme d’activités coopératives par exemple, à celles et ceux qui peuplent notre territoire (2).
Sur ces points là, on serait particulièrement ravi de se faire rejoindre par un-e (futur-e) constructeur-rice de yourte / d’habitats légers, car si c’est un sujet qu’on va pousser politiquement, il faudra aussi pouvoir l’assurer pratiquement, en mobilisant des savoir-faire de plus en plus pointus sur la question 🙂
Autre profil qui pourrait (très) bien tomber : celui d’une personne intéressée par les filières de récupération / ré-emploi et de ressources locales / bio-sourcées ! Les projets low-tech se déployant, il va être temps de structurer des réseaux de récupération, de peaufiner les approvisionnements en matériaux locaux… et on ne sera jamais trop pour le faire ! On devrait pouvoir proposer, a minima, un service civique sur le sujet bientôt !
De même les activités ayant attrait à la filière bois nous intéressent beaucoup, avec une récente passion en particulier pour le travail en forêt (élagage, bûcheronnage, débardage) ! L’aval de la filière, du sciage à la charpente, nous fait aussi de l’oeil bien entendu, mais oui, déjà, un-e femme / homme des bois, ce serait chouette !
2 – Rejoindre un projet à étendre, structurer et partager !
On serait aussi bien content-es d’accueillir de joyeux-ses renfort-es sur les questions du “chemin” et des “moyens” qui nous permettent de nous émanciper nous, y compris d’un point de vue matériel, mais aussi d’inclure, d’accueillir et de former tous-tes celleux qui voudront nous rejoindre ou transformer leur vie autour d’ici. Ca ça implique donc : de chercher et d’être en capacité de “faire fonctionner” des nouveaux lieux, de construire des formats de rencontres et de formation collective ou d’animer des ateliers d’éduc pop auprès de jeunes enfants, de chercher des sous, ou mieux, de développer des modèles économiques collectifs permettant de redistribuer de l’argent dans des projets.
Sur ce point il y aura bientôt un gros boulot de structuration d’une sorte d’université éphémère des savoir-faire paysans et militants (voir détail plus bas), avec des futurs besoins de renfort dès la mise sur rails du projet (lien avec les universités rennaises, financements, construction des maquettes de session de formation-actions…). Mais pour le coup on y est pas encore tout à fait : il nous faut pour l’instant plus de “défricheur-ses”, de personnes prêtes à expérimenter (puis à transmettre / échanger), avant de créer des formats plus cadrés d’apprentissage partagé.
Pour l’instant ce qui serait par contre déjà particulièrement chouette serait de se faire rejoindre par quelqu’un-e qui aurait une petite expérience d’éduc pop ou des pédagogies alternatives (forcément, on est particulièrement curieux-ses de celles qui se tournent vers l’éducation par l’autre, par le collectif, à la freinet ?) ou qui aimerait imaginer et animer des formats d’accueil d’enfants et des formations de jeunes (ou moins jeunes) qui soient bien émancipatrices et vivifiantes comme on les aime et qui puissent partager la début d’émulation d’alternatives qui se déploie ici.
3 – Venir imaginer, expérimenter, partager des nouvelles formes d’actions politiques, situées, territorialisées, mais cheminant vers une alternative globale.
Enfin, comme dit tout au départ, on va ouvrir de nouvelles pistes de travail, sur la question, aussi exigeante que stimulante, de la généralisation des alternatives existantes. L’idée alors, c’est d’avoir envie de mettre à l’épreuve réflexivité politique, stratégique, militante, postures de coopération, savoir-faire-pression et lobbying, capacités de mobilisation, de négociation, de mise en connection… Et toute capacité d’initiative qui permettrait de faire passer les expérimentations menées par les collègues, à l’échelle de décisions politiques ou de mouvements populaires plus amples (par exemple sur l’habitat léger ou l’accès au foncier) !
Ce travail à dimension “politique” ne doit ni se résumer à de la politique institutionnelle, (loin de là !), ni à du lobbying sur les seules institutions étatiques. Au contraire, on pense qu’il y a un enjeu considérable à penser les questions de renouveau politique et organisationnel à l’échelle de nos territoires, et en l’occurrence de notre métropole rennaise.
Car depuis notre campagne péri-urbaine, qui nous donne le luxe d’être à la fois dans les champs et en même temps à quelques coups de pédales de Rennes, on se dit que ces territoires sont à la fois potentiellement puissants, mais qu’en même temps ils peuvent rester à notre portée. C’est ainsi qu’en ayant prise sur des acteurs et relations de pouvoir à l’échelle locale (la Vallée de Vilaine, la métropole) nos dynamiques pourront avoir des répercussions à des échelles plus globales (la région, le pays ?). Mais j’en dis pas plus ici, le texte en II est fait pour ça !
En tout cas, sur ces sujets, on serait bien ravi-es d’être rejoint-es par quelqu’un-e qu’a pas froid aux yeux et qu’à une soif grande comme ça (et ça, c’est grand) de changer le monde !
Ce pourrait être un-e militant-e tout terrain, qui dort en yourte la nuit, parce qu’iel veut incarner le mode de vie qu’elle défend (ou bien en tente sur le périmètre d’un projet d’aménagement qui mange d’énièmes terres agricoles ?), qui est en bottes dans les champs le matin, parce qu’il faut des réseaux paysan-nes ; en toque dans une fac le midi, parce qu’il faut des bouffes-causeries étudiantes ; et enfin, en propre (ou pas après tout?) dans un bureau de la métropole l’aprem, parce qu’il faut aller leur dire – mieux : leur montrer – que nos alternatives sont enviables pour le plus grand nombre et prêtes à changer d’échelle… !
Ce pourrait aussi être quelqu’un-e qui aime concevoir des stratégies politiques, réfléchir des actions socialement stimulantes, se nourrir des dynamiques militantes d’hier et de la-bas pour les transférer ici dans une aventure politique rennaise embryonnaire, peu expérimentée, mais bouillonnante d’espoirs déterminés, de cultures militantes hybridées, et d’envies de convivialité autant que d’efficacité dans les transformations à mener ! Oui oui oui, juste ça.
Enfin, et en lien avec l’enflammade de la phrase (du paragraphe ?) précédent(e), ce pourrait être quelqu’un-e (ou quelques-un-es d’ailleurs, tellement les perspectives sont multiples) qui aimerait défricher, analyser, théoriser, pratiquer, ajuster, partager ces nouveaux modes d’action politiques et militants qu’on essaye de commencer à réfléchir à partir de l’Îlot Vivant. Iel aimerait se confronter et essayer d’apporter des réponses à cette question : comment passer de projets micro-territorialisés, connectés aux enjeux paysans et de terrain, à des dynamiques de changement métropolitaines voire plus global ?
Car derrière, l’idée serait, dans quelques mois/années, de mettre sur pied ce qu’on pourrait appeler, toujours sans prétention aucune (gloups) une “Université des Nouveaux Mondes en Actions”. Elle permettrait d’accueillir les personnes du territoire rennais voulant acquérir des savoir-faire de résilience collective… mais aussi des promos de personnes qui voudraient repenser les formes d’action politique territoriale ! Ca commencerait par la mise sur pied, avec celleux et ceux qui vont nous rejoindre, d’une petite unité de recherche-expérimentation (appelée à devenir grande?) dans laquelle on envisagerait des scénarios de transformation territoriale à l’échelle de Rennes métropole, on réinventerait les relations entre institutions et réseaux militants, on construirait des connexions avec les autres embryons d’alternatives globales qui émergent en France… on changerait le monde en mode facile quoi (hihi).
Mais ces hautes (voire prétentieuses ?) ambitions ne doivent pas décourager des militant-es plus terre-à-terre, qui voudraient déjà s’impliquer dans les réseaux militants locaux, réhabiliter des lieux, organiser des événements… Le tout est plutôt d’avoir envie de participer, à sa mesure, à un collectif hybride aux ambitions multiples (et mégalos).
Propositions à ajuster et pistes à se réapproprier
Car bien sûr, et surtout pour ce dernier point plus politique, appelant des personnes aux profils hybrides, on imagine pas à un seul moment que celles ou ceux qui nous rejoignent seront en capacité de prendre en charge toutes ces idées ! Ces listes qui n’en finissent pas ont, en fait, pour principale intention de montrer l’étendue des possibles, de dessiner des pistes d’implication, tout en montrant que dans cette ébullition qui est plus grande que nous, il y a de quoi faire ses choix. L’Îlot Vivant vit pour l’émancipation de tous-tes, à commencer par celle de ses membres, alors pour sûr que, dans ce vaste cadre de proposition posé ici, les passions, envies, regards de chacun-e sont évidemment plus que bienvenus !
Pour autant c’est sûr, on a des petites attentes, qu’on partage de suite et, espérons-le, sans ambiguïtés, aux personnes que ces propositions titillent : on pense essentiel, en particulier sur la proposition 3, que les personnes qui se montreraient intéressé-es soient potentiellement prêtes à se projeter dans le coin pour un bon bout de temps (le travail de lien/lobbying en question ne pourra a priori se construire – que dis-je : se vivre – que sur le temps long). Sinon, on attend des personnes qui se tournent vers nous qu’elles soient surtout déterminées à changer (le monde ?), pas mal autonomes, et envieuses de rejoindre une aventure militante collective et coopérative… à partir de là, tout s’imagine !
Sur les questions d’inclusion, l’Îlot Vivant est en chemin vers la parité femme/homme (5/6), mais intègre pour l’instant une diversité (sociale, raciale, ethnique…) pour le moins limitée. On est bien mauvais sur la question, et même si ça ne suffit évidemment pas de le glisser au détour d’un paragraphe, on souhaite vraiment pouvoir échanger sur les possibilités (y compris financières) d’inclusion de personnes n’ayant pas nos privilèges. La détermination et l’autonomie qu’on attend des nouveaux-elles venues représentent évidemment un frein à une réelle inclusivité, nous rendant un peu hypocrites sur le sujet (tout le monde n’a pas la chance de pouvoir affirmer sa “détermination”) mais sur d’autres formes de discrimination militantes qu’on reproduit, on aimerait pouvoir mieux les interroger/travailler…!
Parlons pratique
* Niveau dodo, plusieurs types de possibilité avec des degrés de certitudes plus ou moins avancés. Pour celleux qui sont du coin et ont déjà un plan dodo qui leur convient, il est tout à fait possible de rejoindre l’Îlot Vivant sans devenir habitant-e sur les lieux de vie collectifs ! Pour les autres deux possibilités :
– rejoindre un premier collectif d’habitant aux abords de la ferme ou l’aventure de l’Îlot Vivant s’est lancée (et autour de laquelle on est maintenant bien ancrés) ; ici les possibilités sont assez limitées et plutôt transitoire pour le moment – un petit appartement provisoire ou à défaut un plan dortoir (pas des plus cossus) le temps de trouver mieux – mais où des possibilités plus pérennes pourraient s’aménager à moyen terme ; enfin, on pourrait être amené à louer une maison dans le coin de la ferme (la piste est déjà là).
– une autre solution un peu plus exigeante et excitante à la fois, dont on parlait tout en haut : s’installer dans un nouveau lieu, avec d’autres membres du collectif, pour essaimer et commencer à construire que l’Îlot Vivant, veut vraiment être à terme : des îlots maillant un territoire d’alternatives vivantes et complémentaires ! On a la perspective d’une maison située à 20min de vélo de la ferme, qui est assez incertaine pour le moment, mais qui, si elle en vient à se confirmer devrait constituer une piste de choix pour celleux qui ont de la détermination à revendre 🙂
Dans tous les cas, ce qui est sûr, c’est que pour les personnes bien motivées qui n’ont pas tout de suite besoin d’une chambre douillette, on pourra trouver à s’arranger !
* Niveau boulot, on a la possibilité de prendre quelqu’un-e en service civique (si moins de 25/26 ans) ; on est quelques-unes à bénéficier du RSA (avec le forfait de 130€/mois/personne qu’on s’est fixé pour les repas et véhicules mutualisés, et un logement qui ne coûtera pas grand chose, ça rend la chose jouable à court-terme), d’autres travaillent à la ferme (du boulot agricole, ca se trouve !) et on commence à développer des petits modèles économiques collectifs qui peuvent éventuellement servir à aider des personnes qui ont plus besoin d’argent. On doit aussi décider de qui bénéficiera d’un salaire subventionné (par un AAP dont on a été lauréat dernièrement), et on est pas fermé à l’idée de le proposer en partie à quelqu’un qui en aurait besoin pour nous rejoindre. Bon, dans tous les cas, pas de quoi risquer de devenir riches, mais des pistes transitoires permettant de prendre le temps de construire des modèles ajustés aux besoins de chacun-e.
* Niveau métro, bah, là ça va être plus compliqué. Mais on a plein de vélos, et en 20/30 bonnes minutes de pédalade on retrouve les joies (ou les peines) de la grande ville !
Voilà ! Vous l’aurez compris l’Îlot Vivant est un socle à partir duquel on cherche à faire se déployer d’autres possibles collectifs, territoriaux, voire sociétaux, mais aussi, au départ, d’autres trajectoires, personnelles, de vie, d’engagements. A chacun-e, à partir des opportunités qu’on propose ici, de s’en emparer… et de venir toquer à la porte ?
Ah et si jamais vous avez vos propres socles à vous, chez vous, dans vos territoires – ce qui est d’autant mieux ! – mais que vous êtes intéressées par les formes d’expérimentation qu’on tente de déployer ici, faites nous signe aussi, pour sûr qu’on a plein de choses à s’entre-apporter !
Notre petit mail c’est ça : ilot-vivant@riseup.net, on répond pas toujours à la minute, parce qu’on est plusieurs et que du coup parfois, bah faut discuter avant !
Au plaisir d’échanger et, qui sait, de se projeter ensemble !
II. Cap vers une alternative globale ? – Partage de stratégies en gestation.
Ce bout là n’est pas tant la continuité de la première partie, que, au contraire, ce qui l’amène. Son contexte en fait. On y parle des ambitions et stratégies qu’on porte localement par rapport aux initiatives de changement global sur lesquelles on est parfois questionnés. Mais soyons clair, si jamais le texte ne l’était pas assez, il n’y a là aucune certitude : que des avis à débattre et des stratégies à affiner 🙂
* Contexte d’une envie réveillée *
Au départ de ces nouvelles ambitions dont on vous parle au-dessus, il y a des camarades de La Bascule qui viennent perturber le petit quotidien tranquille de l’Îlot Vivant. On était là, dans nos champs à poser soigneusement des bâches, dans notre atelier à bricoler une drôle de cantine mobile, dans le fournil à préparer des pizzas en chantant…
… et eux, voilà t-il pas qu’ils nous disent être en train de se mobiliser pour une Loi Climat ambitieuse (cette loi qui fait suite aux propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, mais dont toutes les ambitions ont été – oh surprise – retirées) et nous expliquent le contexte de leur sollicitation : la députée pressentie pour être la présidente de la commission qui va travailler le projet de loi Climat transmis par le gouvernement, est une des députées d’Ille et Vilaine ; un groupe local se monte donc sur Rennes pour faire en sorte que des gens du 35 signent des pétitions et lui mettent la pression, avant de passer, sans doute, si l’énergie y est, à d’autres formes de mobilisation.
La question : est-ce que nous, et notre petit réseau rennais, on veut en être ?
Et avec celle-ci, reviennent à nous toutes les questions sur nos formes d’engagement, sur notre place et nos rôles dans ce monde qui étouffe sous le poids des dirigeants (écriture délibérement non inclusive) qui, depuis tout en haut de l’Etat, nous négligent et sont bien décidés à nous laisser un monde cassé.
Alors, dans la foulée on se remet à discuter, à ressentir le monde qui s’effrite… On regarde, comme beaucoup d’autres, les vidéos de Partager c’est sympa, qui nous rappellent une fois encore que notre monde s’enlaidit, s’inégalise, s’auto-détruit tellement plus vite qu’on y façonne nos utopies…
Ça fait mal. D’un mal essentiel à notre rage d’avancer, essentiel à notre envie d’étendre nos petites alternatives.
Car en vérité ces questions, on se les pose souvent. Parce que l’Îlot Vivant, loin de l’image de planqués des campagnes donnée de nous juste au-dessus avec un poil d’auto-dérision, c’est avant tout une aventure politique, un laboratoire des autres manières de porter des changements conséquents.
* Une mobilisation locale oui, mais… *
Et justement, ce que nous demandent les copaines à propos de la Loi Climat – relayer dans les réseaux rennais, faire pression via des signatures d’acteurs locaux, organiser des mob’ locales par la suite – et bah, après réflexion, on est pas sûr d’y croire tant.
On pourrait avoir l’impression que ce type d’initiatives de lobbying se succèdent, notamment à Rennes, mais que, faute d’organisation pérenne initiée “par le bas” et d’implantation locale, les “groupes locaux” mobilisés en hâte n’ont pas les leviers d’action, la compréhension des situations de pouvoir spécifiques, la capacité de mobilisation escomptée depuis le haut des réseaux.
Dès lors, on a bien peur que cette “mobilisation” ne soit pas à la hauteur de ce qu’on attend d’elle, tant qu’elle ne sera pas construite, patiemment, stratégiquement, les pieds sur le terrain, et les mains dans les complexités du cambouis local.
Sans doute y a t-il donc d’autres formes de rapport à inventer entre les échelles “nationales” et “locales”.
* L’alternative globale par le(s) bas(-côtés) ?*
De notre côté, on croit fort (sans croire pour autant que ce ne soit la seule voie) dans le fait de structurer des alternatives locales fortes, ancrées, plus à notre portées dans un premier temps, mais qui pourront ensuite, par la légitimité ou l’organisation acquise, taper du point sur la table quand sera venu leur moment.
Des exemples ?
Dans nos imaginaires de rupture politique, de transformation sociale, ou disons-le d’insurrection populaire, “Bâtir aussi”, livre de fiction des Ateliers de l’Antémonde, est une boussole à laquelle on se réfère de temps en temps. En particulier quand nous reviennent en plein front les questions de notre rôle dans ce monde global qui s’emballe. Ce joli bouquin jaune, décrit, en quelques nouvelles, l’histoire de communes libres – Lyon, Grenoble, Marseille… et ailleurs -, qui, suite au printemps arabe, se connectent les unes aux autres et portent “non pas une utopie parachutée, hors-sol, mais des mondes qui se confrontent à la matière, à ce qui résiste dans les têtes, où les routines collectives bâtissent un monde qui s’espère sans dominations.” L’Histoire, la grande s’y écrit non plus à partir de la capitale, mais de ces villes où d’autres formes de vie s’inventent et se répandent à travers le pays.
On pourrait citer alors, le municipalisme libertaire de Bookchin (parfois revendiqué par des Gilets Jaunes – d’après ce qu’on en a compris, de malheureusement trop loin à ce moment là) : des assemblées citoyennes se rassemblent en confédération, devenant petit à petit assez fortes pour remettre en cause les strates de pouvoir supérieures.
On se rappelle aussi souvent, entre nous, cette histoire racontée à Notre Dame des Landes, de la préfête refusant que les terres soient reprises collectivement (comme ce fût le cas au Larzac) pour motif explicite que la Zad serait située “trop près de Nantes”.
Alors oui, partant de ces quelques espoirs, on croit fort que les formes d’organisation locales peuvent, à partir de leur ancrage, déployer des changements conséquents. Les métropoles régionales en particulier – Rennes pour nous – semblent être des lieux de pouvoir intéressants…
C’est que ces métropoles régionales sont des territoires qui, contrairement au “pouvoir central”, nous semblent rester à la portée de nos liens et de nos actes, aux abords desquelles on peut accéder à la terre, à des fermes, à des formes d’habitat alternatifs, à l’espace qui nous est nécessaire pour faire exister des alternatives coopératives et paysannes, pour les transmettre et les généraliser. Et justement, c’est à partir de ces alternatives qui se développent dans les dehors, sur les bas-côtés et “se confrontent à la matière”, que l’on pense pouvoir reprendre prise, corps, sur nos vies, puis sur nos villes, et enfin, sur nos mondes.
Mais pour que ces formes de mouvement du bas se déploient “vers le haut”, toujours faut-il qu’elles existent, qu’elles soient organisées en réseaux, qu’elles soient structurées dans la durée, qu’elles soient connectées aux lieux de pouvoir…
“Mobiliser” des personnes dispersées ou “construire” des groupes locaux, à l’occasion d’une Loi Climat ou d’autre chose, nous semble alors trop insuffisant pour permettre de faire plier des dirigeants. A priori, les lobbys qui exercent des fortes influences locales ne se contentent de mobiliser des soutiens pour signer des pétitions ni même d’appeler à des manifestations ponctuelles. Oh non : ils sont là depuis longtemps, constitués, organisés, ils ont compris les mécanismes politiques, ils ont des leviers, des entreprises qui emploient, des relations de confiance, une constante présence.
* S’ancrer, agir, se structurer, devenir légitimes, avant de s’étendre ? *
Alors oui, n’abandonnons surtout pas l’idée de changer les directions globales de notre pays, car d’elles aussi dépendent la suite de nos vies (pour l’instant de nos morts). Mais ami-es de la capitale, ne comptez pas trop sur une densité / habileté des réseaux locaux que, peut-être, malheureusement, nous n’avons pas encore vraiment. Ne sautons pas les étapes. Reprenons, plutôt, les bases, les points d’ancrage, et voyons de quelles manières les déployer. Depuis le terrain, depuis les bas-côtés.
C’est en tout cas les aspirations qu’on porte avec l’Îlot Vivant, au travers de ces ambitions notamment :
- Il y a d’abord l’ambition du dehors : elle consiste à s’ouvrir et se doter d’espaces d’expérimentation (espaces d’habitats légers, ateliers, parcelles agricoles…) et d’apprentissages (universités alternatives éphémères, moyens de communication locaux…) pour pouvoir entamer des trajectoires en “dehors du système”, respiration essentielle pour avoir des marges de manoeuvre et inventer des mondes pour demain d’autres manières de vivre, s’organiser, produire, sans que le vilain système ne nous remette dans le “droit chemin” – tu sais, celui où il faut écraser son voisin ou s’endetter jusqu’au cou pour faire partie des bons
- En parallèle, et de manière complémentaire il y a celle du dedans : proposer des activités et animations pouvant répondre à des attentes locales et à des besoins de base pour déjà faire lien avec le monde d’aujourd’hui (tout en préfigurant les lendemains)
En pratique, et en lien avec ces intentions, nos projets commencent à se mettre sur les rails, encore inoffensifs mais déjà bien loin de ce que le système nous offrait jusqu’ici :
- Pendant que le vieux monde s’arme de publicités et étouffe nos possibles sous les dettes à rembourser, on tente d’ouvrir des tangentes nouvelles : auto-construire petit à petit nos futurs lieux de vie, équiper un atelier, prototyper des technos artisanales (poêle de masse, panneaux thermiques…), trouver des combines pour réduire nos loyers, mutualiser des voitures, partager des modèles économiques, se former aux travaux sur corde, à l’élevage, la sylviculture, la phyto-épuration, et partager ces savoirs…
- Alors que les industrieux lobbys sont encore bien là, faisant du chantage à base d’emploi ou de too big too fail, pendant que le capitalisme fait croire (pour combien de temps encore ?) qu’il est le seul système qui vaille, on essaye de prendre place dans ce monde d’aujourd’hui avec nos petits moyens à nous : l’ancrage dans une ferme référente du bio dans les environs, la participation au montage d’une coopérative boulangère qui livre du pain au levain dans les cantines, la mise sur rails de projets low-tech en lien avec l’Ademe, l’implication sur de projets de territoire avec la métropole…
Ces liens de convivialité, ces activités paysannes, ces conditions de vie émancipatrices, ces chemins d’expérimentations et ces canaux d’apprentissage, qu’on construit sont les premiers pas, essentiels, pour rendre nos propositions possibles (1) puis visibles, viables, utiles, légitimes (2), aux yeux des élu-es, citoyen-nes et autres potentiels futur-es alliés en tous genres. Elles permettent de montrer que nos propositions tiennent la route… tout en prenant un tout autre chemin.
Cela dit, rien de très neuf jusqu’ici, mais… ce ne sont que les étapes 1 et 2.
* Partir de là, aller au delà – Stratégies de passage à l’échelle *
L’enjeu, justement, ensuite, en 3) disons, c’est de faire passer ces propositions à l’échelle. C’est là que ça se complique. On se dit souvent que “les solutions sont déjà là” (ce qui est douteux mais enfin), et qu’il ne resterait “plus qu’à” les déployer. Ahah. C’est que nous sommes dans un monde où il n’y que des bonnes volontés et aucune résistance au changement… Eh non bien sûr : passer à l’échelle ça veut dire que tout reste à faire. Certain-es répondent qu’il suffirait d’une loi ou deux. Mais nous, vu qu’on croit pas trop au “et si” (en espérant qu’on se trompe), vu qu’on a l’impression que le monde est plus complexe et verrouillé que ça, on compte bien se casser la tête à prendre en compte ces réalités.
Et donc, pour simplifier on pourrait se dire que nos stratégies de passage à l’échelle, elles pourraient prendre 3 formes de liens et de “généralisation” :
a) La généralisation par les pairs et la mobilisation, consisterait à rendre les alternatives plus facilement rejoignables ou essaimables, et se donner des objectifs communs entre acteur-rices des transitions, c’est-à-dire les généraliser par la pratique, pour être plus nombreux-ses à rejoindre des modes de vie et d’engagements différents.
b) La généralisation par la coopération, consisterait à rendre les alternatives généralisables et soutenables par le biais des pouvoirs publics et des autres acteurs ayant des leviers de changement, et serait mobiliser dès que possible – en l’occurrence, on pourrait dire dès que l’intérêt général pourra (s’ex)primer.
c) La généralisation par l’antagonisme, consisterait à rendre les alternatives subversives, à les inscrire dans des rapports de force, car elles se trouveront forcément confrontées à des résistances conservatrices ; à priori certaines de ces alternatives remettent en cause l’ordre capitaliste, étatique et patriarcal (…) établi, et feront donc face à des oppositions qu’elles doivent pouvoir contourner.
Ce point 3) de notre petite plan de route, qui vise à généraliser les alternatives qu’on expérimente (1) et qu’on propose autour de nous (2), n’est donc pas une simple histoire, puisqu’il consiste à jouer sur les trois tableaux, en fonction des situations.
Parfois il s’agira de montrer que nos formes de vie sont plus souhaitables pour être rejointes et partagées (a), parfois il s’agira de coopérer avec les acteur-rices qui disposent des leviers pour les généraliser (b), d’autre fois de faire le choix d’entrer dans des formes de rapports de force (c).
Le plus souvent, ce seront des stratégies hybrides qui combineront les trois enjeux. Il faudra alors savoir jongler entre différent modes d’actions et d’expressions : revendications et preuve par l’action, mobilisation éclaire et structuration de rapport de confiance sur le temps long, lobbying et coopératives, dire et faire, faire et dire (qu’on veut aller plus loin), paysannerie et luttes urbaines, radicalité et ouverture du dialogue, expérimentation des champs et animation de réseaux militants… tout est à inventer ! C’est ce qui rend la tâche particulièrement complexe et stimulante.
Prenons l’exemple des habitats légers, et plus encore des hameaux légers (tels que les défend l’asso du même nom). Loin d’être juste un délire de quelques bobos montés sur roulettes, ils pourraient, une fois généralisés à l’échelle d’une métropole, déployés sous une diversité de formes – y compris pour des familles – et couplés à des mutations de nos modes de vie, devenir un levier considérable pour une “alternative globale”.
D’une part car ils couplent sobriété foncière et énergétique et ouvrent des perspectives tout autre pour la décroissance urbaine de demain : imaginons qu’à Rennes, où comme dans toute métropole qui (ne) se respecte (pas), la bétonisation continue de galoper à tours de bras (ou en barres de tours, c’est à voir), on projette des hameaux légers, mutualisant des espaces de vie partagés, re-donnant place à une connexion entre l’homme et les écosystèmes…
D’autre part car ils sont vecteur de possibles et d’expérimentations : à l’îlot vivant, nos petites maisons mobiles sont rien de moins que la source de notre aventure sur cette ferme qui n’avait pas d’autres logements à offrir au départ. Sans eux pas de mutualisation sur tous ces espaces, pas de connexion entre des jeunes et des paysans, pas d’animations sur la ferme…
Pourtant malgré ces enjeux, foncier ou d’ouverture de possibilités, le passage à l’échelle est loin d’être simple : si l’habitat léger est enviable pour celleux qui souhaitent déjà vivre plus sobrement, il est menaçant pour celleux qui sont accrochés au béton ou aux traditions et souvent source de tensions juridique et politiques auprès des élu-es locaux-les…
Alors on fait quoi ?
On y va sans trop demander, en se faisant discret, en se faisant accepter sur des fermes, en créant des réseaux d’habitat et d’entraide, pour ne pas se priver de cet outil essentiel à nos trajectoires engagées, et pour permettre la généralisation par la pratique (stratégie a) ?
On cherche à sensibiliser, élu-es et habitant-es, à l’intérêt de ces habitats/hameaux légers, en organisant des ateliers, des rencontres, des démonstrations, pour que s’ouvre la piste d’une généralisation par la décision institutionnelle (qui en l’occurrence doit accepter de jongler avec des lois obscures) (strat b) ?
Où on revendique une démarche d’habitat désobéissant (au regard de la loi) mais légitime (au regard de l’état de nos territoires goudronnés), qui assume le rapport de force, le décalage, pour favoriser l’éveil des consciences, pour faire pression sur les décideurs-ses, celleux de notre territoire qui verrouillent la situation localement (quittent à ce qu’ils se durcissent plus encore ?), et celleux qui là-haut tiennent les grosses manettes (strat c) ?
Hmm… oui, il va falloir sans doute faire un peu de tout ça. Reste à savoir comment, avec quels tempos, quels relais, quels soutiens, quelle légitimité, quels potentiels (locaux et globaux).
C’est que, dirait-on, vouloir passer nos alternatives à l’échelle, n’est pas chose facile. Mais c’est justement de cette complexité qu’il faut qu’on s’empare, si l’on veut “sortir de notre impuissance politique” (comme dit de Lagasnerie) et s’essayer à d’autres manières d’en faire, justement, de la politique. Des manières situées, ancrées, paysannes, expérimentales (et j’en passe sur les qualificatifs dont on aime s’auto-affubler). Et en même temps, des manières qui ne se contentent pas de changer les choses que sous leur nez. Des manières de s’étendre qui ne passeront donc pas que par nous ; en d’autres termes, des manières qui sont un art du lien, de la relation, de la coopération, du rapport de force ou de confiance.
Ouvertures
Alors oui, on veut changer le monde à partir de nos vies, et de ce que nos liens avec les autres rendront possible. A partir de là, mais au-delà. Rebeller non plus seulement la ferme où on est hébergé, mais aussi la campagne du Sud Rennes, puis Rennes, puis…
Alors on amorce là quelques pistes de stratégie et quelques exemples de sujets (l’habitat léger et les autres formes d’aménagement) pour lesquels des “solutions” existent et sont à “passer à l’échelle” (et qui, une fois “passées à l’échelle” pourront à leur tour aménager des changements majeurs ?)…
Mais force est de constater qu’à cette question du passage à l’échelle, nous avons surtout à apporter de nouvelles questions – et des situations et projets concrèt(e)s à partir desquels tenter d’y répondre – que de réponses.
D’où les propositions faites dans la partie I (“rejoindre le bateau ?”) sur l’Université des Nouveaux Mondes dans les campagnes rennaises, sur la possibilité, pour qui veut, de nous rejoindre pour chercher, imaginer, expérimenter, mettre en oeuvre, partager, des nouvelles manières de militer et de porter et structurer des changements politiques et territoriaux profonds… pour ça, va en falloir du boulot, de l’envie, de la vie !
Sur ces belles paroles, un grand merci aux copaines militant-es, de la Loi Climat ou d’ailleurs, qui continuent d’éveiller nos réflexions et nos sens – rage, amour, fragilité, solidarité… – dans ce monde qui n’en a plus toujours.
Courage amigos-as !
(Seb pour l’Îlot)